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Les gestionnaires ont AUSSI besoin de reconnaissance!

christophe fond banc
Christophe Laval 6 avril 2022

Quand j’évoque « la reconnaissance au travail » dans le cadre d’audits de pratiques, de formations ou de conférences, je fais régulièrement le constat que les participants l’associent avant tout à la reconnaissance des employés par leur gestionnaire.

Pourtant, quand on pousse la réflexion plus loin (1), les gestionnaires expliquent volontiers qu’ils ont besoin de reconnaissance, eux aussi, mais qu’ils n’osent pas la demander.

Et quand cette reconnaissance est exprimée, ils reconnaissent à quel point ils l’apprécient, ils se sentent motivés et ils sont prêts à relever de nouveaux défis.

Cet article va donc tenter de synthétiser les 4 raisons pour lesquelles il est plus que jamais fondamental de se pencher sur ce sujet.

1. Les gestionnaires sont à bout de souffle

Dans un article de janvier 2022, le journal Les Affaires (2) a souligné la détérioration inquiétante de la santé mentale des gestionnaires après deux années de crise sanitaire et proposé que les entreprises revoient leur façon de faire en matière de santé mentale en y injectant une dose de bienveillance et de soutien. Geneviève Desautels suggère par exemple que lorsqu’un membre de la haute direction rencontre un gestionnaire, qu’il lui demande d’abord comment il va, sur une échelle de 1 à 10. De prime abord, on pourrait penser que cette pratique de reconnaissance existentielle est évidente. J’invite néanmoins chaque dirigeant à se demander quand il a posé explicitement cette question à ses cadres pour la dernière fois… ou s’il compte le faire prochainement?

2. Un gestionnaire non reconnu = une équipe démobilisée

Dans un précédent article de FacteurH, je rappelais pourquoi il est important de reconnaître les efforts générateurs de mobilisation collective. Aujourd’hui, les efforts et l’énergie déployés par la plupart des gestionnaires pendant la crise sanitaire doivent être reconnus sous peine de désengagement chronique. D’où la nécessité d’évaluer et de reconnaître les efforts vertueux, identifiés par Arnaud Bichon (3): « Les efforts déployés en vue de tisser des liens au sein de l’équipe (conduites relationnelles), les efforts déployés pour collaborer spontanément avec les autres membres du collectif (conduites coopératives) et les efforts déployés pour comprendre le sens de l’action collective (conduites d’intercompréhension) ».

 

La culture du résultat et la pression du temps, deux éléments fortement présents dans cette période post-pandémie, pourraient faire oublier ces aspects. Pourtant, la reconnaissance de l’investissement est fondamentale afin de limiter les risques de frustration, d’isolement et de fatigue générés par le travail hybride qui se démocratise.

Les gestionnaires ont AUSSI besoin de reconnaissance!
crédits:depositphotos.com

3. Un gestionnaire reconnu par son équipe la reconnaît mieux en retour

Toutes organisations confondues, j’ai pu régulièrement constater qu’environ 2/3 des gestionnaires considèrent la reconnaissance de leurs employés comme encore plus importante pour eux que la reconnaissance de leur patron. Et comme un gestionnaire reconnu par ses employés s’autorise encore plus à reconnaître les membres de son équipe, il y a ici une idée de réciprocité intéressante à creuser, car les gestionnaires sont encore insuffisamment reconnus par leurs collaborateurs. En effet, dans leur étude sur les relations entre le gestionnaire et le collaborateur, Saint-Hilaire et al. (4) ont posé la question de la reconnaissance à la fois aux collaborateurs et aux gestionnaires. L’étude indique que 53 % des gestionnaires reconnaissent leur supérieur immédiat alors que seulement 36 % des collaborateurs le font.

 

4. Pas d’amélioration de performance sans changement majeur des pratiques dans les entreprises

Quand on demande aux gestionnaires de proposer des actions simples et concrètes pour réduire les freins et les obstacles à la reconnaissance, la question des moyens qui leur sont dévolus arrive en tête de liste. Les gestionnaires ont besoin qu’on leur redonne du temps et du soutien pour être à l’écoute de leurs équipes. Ils ont en effet le sentiment que leur charge de travail s’est accrue de façon démesurée pendant la crise sanitaire et que l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle s’est fortement dégradé au détriment de cette dernière.

Ils veulent ensuite qu’on travaille davantage sur le sens, en exigeant de la cohérence entre le projet de leur entreprise et la valeur, le but du travail qu’ils accomplissent quotidiennement. Cela passe notamment par une réduction des procédures et des indicateurs et par une augmentation de la latitude décisionnelle dont ils souhaitent bénéficier dans l’accomplissement de leurs tâches de gestion. Ils souhaitent également être mieux associés au changement en étant informés de la vision et de la stratégie de leur organisation et en ayant des objectifs opérationnels stables, précis et atteignables. Ils demandent pour cela, tout comme leurs employés d’ailleurs, d’être davantage considérés en prenant part aux décisions qui les concernent et en renforçant l’innovation participative.

En conclusion, on peut dire que de ne pas prendre en compte le besoin de reconnaissance des gestionnaires serait un très mauvais calcul pour les entreprises puisque cela générerait des coûts cachés et donc une performance moindre.

 

De plus, dans une période de pénurie de main-d’œuvre, on peut être certain que le gestionnaire qui ne reçoit pas de suffisamment de reconnaissance en interne ira la chercher sur le marché du travail. D’ailleurs, le mouvement a déjà commencé dans plusieurs pays…

__________________

[1] Brun, J.-P. et Laval, C. (2018).Le pouvoir de la reconnaissance au travail : 30 fiches pratiques pour allier santé, engagement et performance. Paris. Eyrolles.

[2]https://www.lesaffaires.com/dossier/sante-au-travail/les-gestionnaires-sont-a-bout-de-souffle/630219

[3] Comment appréhender les comportements de mobilisation collective des salariés, Arnaud Bichon,Mobilisation des personnes au travail sous la direction de Michel Tremblay, p59, Collection Gestion et Savoirs, HEC Montréal, 2012

[4 ] Saint-Hilaire F, Gilbert MH, Brun JP,«What if subordinates took care of managers’ mental health at work?», The International Journal ofHuman Resource Management, 2016.

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christophe fond banc
À propos de Christophe Laval

Christophe Laval est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et licencié en droit de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

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