On a beaucoup parlé de pénurie de main-d’œuvre ces dernières années. Pourtant, les signaux récents brossent un portrait plus nuancé : certains domaines peinent encore à pourvoir des rôles clés, tandis que d’autres reçoivent davantage de candidatures. Le marché ne s’est pas renversé, il se rééquilibre.
Dans ce contexte, l’enjeu n’est plus seulement le volume de CV, mais la qualité de l’arrimage entre besoins organisationnels et attentes des talents. Recruter en 2026, ce n’est plus « afficher davantage », c’est mieux définir ce que l’on cherche, mieux expliquer ce que l’on offre et ajuster ses critères à la réalité du marché.
Pour les équipes RH, la première étape consiste à passer du ressenti à l’observation structurée. Suivre l’évolution des candidatures par type de poste, des délais d’embauche et des raisons invoquées par les candidats qui se retirent permet de distinguer ce qui relève de la conjoncture de ce qui tient aux choix de l’organisation.
Ce regard plus fin met en lumière des nuances : ici, un bassin de talents réellement restreint; là, des critères trop serrés; ailleurs, une offre ou des conditions peu compétitives. On ne parle plus d’un « marché difficile » de manière globale, mais de quelques nœuds précis sur lesquels agir.
Dans un environnement saturé d’offres, un poste flou se perd. Une description qui accumule les missions, exige un parcours idéal et reste vague sur la rémunération ou le mode de travail crée un décalage : l’employeur attend un profil rare et les candidats ne se reconnaissent pas dans l’annonce.
Clarifier, c’est recentrer le poste sur les contributions décisives de la première année, le contexte réel et les marges de manœuvre. On distingue alors plus facilement les compétences essentielles de celles qui peuvent être développées après l’embauche.
La transparence sur la rémunération et les conditions fait désormais partie de cette clarification. La majorité des chercheurs d’emploi se disent plus enclins à postuler lorsqu’une fourchette salariale et le mode de travail (présentiel, hybride, télétravail encadré) sont indiqués. Une offre claire n’attire pas seulement plus de CV : elle filtre mieux, en encourageant les personnes qui se projettent réellement dans le rôle à aller au bout du processus et en limitant les malentendus en fin de parcours.
Les nouvelles approches de recrutement s’appuient davantage sur une logique « skills-first ». On part de ce que le rôle exige concrètement et on recherche les compétences correspondantes, qu’elles aient été développées dans le même secteur ou ailleurs. L’accent se déplace vers les compétences transférables – service à la clientèle, coordination, gestion de projet, résolution de problèmes – et vers la capacité d’apprentissage.
Cette bascule ne signifie pas baisser les standards, mais les repositionner. On reste exigeant sur ce qui est vraiment critique pour réussir dans le poste, tout en présumant que certains éléments pourront être consolidés grâce à l’intégration et à la formation. Les organisations qui structurent leurs profils de compétences et ajustent leurs critères de sélection accèdent à un bassin plus large sans sacrifier la qualité.
Recruter sans se soucier de ce qui se passe après l’entrée en poste n’est plus tenable. Dans plusieurs secteurs, les intentions de départ restent élevées, souvent liées à la charge de travail, à l’absence de progression ou à une flexibilité jugée théorique.
Cela oblige à revisiter la promesse faite dès le recrutement. Si l’on met de l’avant la flexibilité, elle doit se traduire dans l’organisation concrète du travail. Si l’on valorise le développement, les cheminements possibles doivent être visibles et abordés tôt. Si l’on parle de bien-être, les gestionnaires doivent être outillés pour ajuster la charge et reconnaître les efforts.
Lorsque cette proposition de valeur est claire, assumée et cohérente avec le quotidien, elle devient à la fois un argument d’attraction et un facteur de stabilité. À l’inverse, un écart trop grand entre le discours et la réalité se transforme rapidement en nouvelle difficulté de recrutement.
En 2026, recruter dans un marché en rééquilibrage ne demandera pas de grands gestes, mais des ajustements continus. Les organisations devront arbitrer plus finement entre créations de postes, remplacements, redéploiements et mobilité interne, en fonction des signaux économiques et de leurs priorités de long terme.
Celles qui tireront leur épingle du jeu seront celles qui auront appris à lire ces signaux, à clarifier leurs rôles et leurs conditions, à adopter une approche axée sur les compétences et à aligner leur promesse sur l’expérience réellement offerte. Elles recruteront peut-être avec plus de discernement qu’avant, mais elles recruteront mieux – et feront du recrutement non plus un simple exercice de remplissage, mais un levier central de leur capacité d’adaptation pour les prochaines années.
Stepan Arman est directeur principal des ventes, Québec, chez Indeed.
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