On investit dans le développement et la requalification de la main-d’œuvre, toutefois on esquive très souvent l’essentiel : le point de départ réel des personnes dans leur cheminement professionnel et personnel. Or, sans avoir une réelle perception de création de valeur et d’un bilan individuel de compétences, les activités de formation ont peine à produire des effets durables à la fois pour les organisations et les individus.
On parle beaucoup d’adéquation compétences-emplois, de requalification et de transformation des métiers. On investit dans des plateformes, des programmes, des cohortes et des parcours. Pourtant, un élément clé continue d’être traité comme un détail opérationnel, alors qu’il devrait être l’intrant central de toute stratégie de développement de la main-d’œuvre : le point de départ réel de la personne.
Trois questions simples permettent pourtant de comprendre ce qui déclenche, ou non, la décision d’apprendre chez l’adulte :
- Est-ce que cet apprentissage a du sens pour moi, ici et maintenant, et correspond à mon point de départ actuel?
- La valeur ajoutée est-elle clairement identifiable et mesurable à mes yeux?
- Ai-je réellement les conditions nécessaires pour passer de l’apprentissage à l’action?
Ces questions ne relèvent pas de la pédagogie abstraite. Elles sont profondément liées à la façon dont les organisations conçoivent ou non leurs stratégies de développement de la main-d’œuvre.
Dans trop d’organisations, le développement des compétences commence par la solution :
- un programme standard;
- un catalogue de formations;
- un parcours « clé en main »;
- ou une cohorte homogène… sur papier.
Pourtant, deux individus occupant un rôle similaire ne partent presque jamais du même endroit. Ils n’ont ni le même bagage, ni les mêmes forces, ni les mêmes angles morts, ni les mêmes aspirations professionnelles. Concevoir des plans de développement identiques revient à confondre équité et uniformité, souvent au détriment de l’engagement et de l’efficacité.
C’est ici que le bilan de compétences individuel devient un levier stratégique. Il permet de nommer clairement :
L’adéquation entre les compétences, les aspirations et les besoins organisationnels ne se décide pas dans un comité ni dans un plan de formation annuel. Elle se construit à l’intersection de trois conversations trop souvent menées en silos :
C’est dans cette zone de recoupement que peut émerger un plan de développement individuel pertinent, réaliste et mobilisateur.
Un tel plan ne peut pas être identique à celui du voisin qui ne part pas du même endroit. Et c’est normal. Mieux encore, c’est souhaitable. Chercher à harmoniser artificiellement les parcours pour des raisons de simplicité administrative crée souvent l’effet inverse de celui recherché : démobilisation, impression de non-reconnaissance et faible transfert des apprentissages dans l’action.
Les recherches sur l’apprentissage des adultes sont claires : on n’apprend pas parce qu’on nous propose une formation. On apprend parce qu’on se reconnaît dans le parcours, parce que la valeur ajoutée est claire et concrète, et parce que les conditions permettent réellement de passer à l’action.
Le bilan de compétences nourrit directement la question du sens et du point de départ.
La discussion sur les aspirations professionnelles et les besoins organisationnels rend la valeur ajoutée visible.
Le plan de développement individualisé agit sur la capacité réelle de transformer l’apprentissage en action.
Lorsque ces trois dimensions ne sont pas alignées, même la meilleure formation reste théorique.
Depuis quelques années, la technologie — et plus récemment l’intelligence artificielle — s’est invitée dans le développement de la main-d’œuvre. L’un de ses apports majeurs est sa capacité à personnaliser les parcours à grande échelle.
Elle permet notamment de :
Autrement dit, la technologie permet enfin de dépasser le faux dilemme entre formation sur mesure et déploiement organisationnel. Mais elle ne remplace pas la réflexion stratégique. Elle l’exige.
Un modèle de plus en plus porteur repose sur une séquence hybride souvent mal comprise.
Dans un premier temps, l’acquisition du savoir se fait de manière individualisée. Chaque personne apprend à partir de son propre point de départ, avec des contenus et des parcours qui peuvent différer d’un collègue à l’autre, même sur une même thématique.
Dans un second temps, le collectif devient central. Les équipes se retrouvent pour travailler le savoir-faire, le savoir-être et le faire faire, souvent sous forme d’ateliers, de mises en situation ou de travaux collaboratifs.
Le groupe n’est plus le lieu où l’on découvre la théorie, mais celui où l’on transforme l’apprentissage individuel en action collective.
Si l’on souhaite réellement améliorer l’adéquation entre les personnes, les emplois et les organisations, il faut accepter une idée simple, mais exigeante : on ne développe pas des compétences à partir d’un programme, mais à partir d’une personne.
Le bilan de compétences individuel n’est pas une étape administrative, c’est le point d’ancrage.
La technologie et l’IA sont des accélérateurs puissants lorsqu’elles sont bien utilisées.
Et le collectif demeure essentiel — non pas pour uniformiser, mais pour ancrer l’apprentissage dans l’action.
Partir du bon endroit change tout.
Geneviève accompagne les leaders, les organisations et les conseils d’administration dans leur transformation humaine et stratégique depuis plus de 30 ans.
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