Développement organisationnel et expérience employé
Le débat n'est pas nouveau. Adam Smith voyait dans la «main invisible» l'idée que la poursuite de l'intérêt individuel pouvait bénéficier au collectif. Keynes doutait déjà de ce pont entre micro et macro. Trois siècles plus tard, l'entreprise reste ce terrain où la question se rejoue chaque jour. Comment concilier l'intérêt individuel (bien-être, flexibilité, rémunération) avec l'intérêt collectif (cohésion, valeur créée, règles communes)?
Tout membre d'une entreprise appartient à plusieurs collectifs en parallèle: son équipe directe, sa direction, sa business unit, sa zone géographique. Entre ces cercles, les intérêts s'alignent rarement spontanément. Trois situations très concrètes illustrent ces télescopages entre le «moi» et le «nous».
Du point de vue de l'individu, le calcul est simple : un jour de télétravail par semaine est confortable, deux jours apportent encore plus de satisfaction et trois jours semblent idéaux pour beaucoup. Moins de transport, plus de flexibilité et de concentration, un meilleur équilibre de vie.
Pour le collectif, l'équation se complique:
Le télétravail révèle un parfait exemple de no bridge: l'intérêt individuel fragilise le ciment collectif.
Sur le papier, la mobilité interne coche toutes les cases positives: fidéliser les talents, décloisonner les métiers, enrichir l'expérience des personnes collaboratrices. La fonction RH y voit un outil stratégique de rétention et de développement.
Mais côté managers, la logique diffère. Une équipe de cinq personnes suit souvent une distribution classique: un top talent, trois personnes contributrices solides et une ou un collaborateur en difficulté. Quand on annonce à la personne manager qu'elle doit «jouer le jeu» de la mobilité, est-elle prête à perdre son top performer?
La tentation est grande d'encourager plutôt le départ d'une personne collaboratrice moyenne, voire de la moins performante. Le dispositif se pervertit: l'intérêt individuel de la ou du manager contredit l'intérêt collectif de l'organisation.
Le service commercial et le marketing partagent un objectif clair: vendre plus. Pourtant, pour le commercial, l'urgence est de conclure son deal, quitte à contourner certaines recommandations marketing. Pour le marketing, respecter le cadre de marque reste non négociable.
Autre duo: RH et finance. Ensemble, ils pilotent la masse salariale. En période de réduction des coûts, les arbitrages diffèrent entre équilibre financier et engagement. D'où la phrase entendue partout: «Je comprends, mais nous n'avons pas les mêmes priorités.»
Ces situations montrent une constante: sans arbitrage clair, l’intérêt individuel prend le dessus à court terme, au détriment du collectif.
Ces tensions ne condamnent pas l'entreprise au conflit permanent. Trois dispositifs permettent de rapprocher le «moi» et le «nous».
La crise sanitaire a accentué la fragmentation des attentes individuelles: quête de sens, équilibre de vie, autonomie. Les équilibres entre «moi» et «nous» ont évolué et, dans ce contexte, bâtir un tronc commun pour «faire société» dans l'entreprise devient vital.
Trois conditions sont incontournables:
L'intérêt individuel et l'intérêt collectif ne convergent pas naturellement. Le rôle d'une ou d’un leader n'est pas de nier cette tension, mais de la rendre explicite, de poser les règles du jeu et de construire, pierre après pierre, des ponts praticables.
Une personne leader bâtit le deal caché entre le «moi» et le «nous» et relie chacune et chacun à plus grand que soi: une mission, une vision, un projet commun.
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