Développement organisationnel et expérience employé
Entre 2016 et 2023, la part des entreprises québécoises qui utilisent des technologies de l’information et des communications (TIC) a augmenté d’environ 1,3 fois (MEIE, 2024). Cette intégration démontre bien que les organisations entreprennent une transformation numérique. Toutefois, cette dernière s’effectue généralement par l’adoption de technologies au détriment d’une réflexion globale sur ce changement organisationnel important. Par cet article, nous soulevons les impacts de l’adoption d’outils révolutionnaires et la nécessité d’une réflexion pour les organisations.
Actuellement, certaines organisations perçoivent une urgence à choisir des technologies pour répondre aux différents besoins exprimés dans leur organisation. Ces besoins sont parfois guidés par des impératifs économiques. Une augmentation de la productivité par les nouvelles technologies devient un avantage concurrentiel. Au Canada, l’accès aux nouvelles technologies s’effectue majoritairement auprès de jeunes pousses ou de «start-up» puisque 85% des entreprises technologiques emploient moins de 10 personnes (ISDE, 2024). En plus de la compétition de leur secteur d’activité, les entreprises technologiques sont très sensibles aux risques et aléas économiques. Afin de survivre et de se démarquer, certaines jeunes pousses développent un produit phare unique et «révolutionnaire», et adoptent des techniques de vente très convaincantes.
Le produit phare développé répond généralement à un besoin unique chez une catégorie de clients ou un secteur d’activité. Comme ces technologies sont très nichées, ces petites entreprises n’hésitent pas à proposer des adaptations spécifiques pour mieux répondre aux besoins de chacun de leurs clients. En fonction des discussions entre le fournisseur et le client, il arrive aussi que ces outils créent de nouveaux besoins ou que des besoins émergent chez le client en ce sens. Si l’outil répond à un besoin déjà exprimé dans l’organisation, il n’est pas rare que des organisations se laissent obnubiler par cette technologie.
Du point de vue des techniques de vente très convaincantes, les entreprises technologiques offrent des rabais importants pour l’utilisation en primeur de leur produit phare. En agissant de la sorte, elles confirment l’aspect révolutionnaire de leurs technologies. Combiné au sentiment d’urgence, les organisations choisissent des technologies à la pièce pour répondre à chacun de leurs besoins, plutôt que de miser sur une réflexion profonde en transformation numérique. Même si, ultimement, la transformation numérique se matérialise par l’ajout de technologies, une réflexion approfondie permet aux organisations de ne pas axer uniquement leur transformation numérique sur les fonctionnalités d’une ou de plusieurs technologies.
Une adoption à la pièce de nouvelles technologies peut représenter un enjeu dans la transformation numérique. Si plusieurs personnes utilisatrices considèrent la technologie comme étant incomplète, non adaptée ou même inutile, la gestion du changement pourra être freinée ou ralentie. Si cette stratégie est retenue pour plusieurs technologies, la gestion du changement risque très fortement d’être affectée durablement lors de la transformation numérique.
Un autre aspect à considérer pour favoriser la gestion du changement est la place accordée au changement de pratique engendré par l’adoption d’une technologie. Si un changement de pratique est indispensable à l’intégration d’un outil, des efforts supplémentaires devront être mis pour assurer une meilleure adoption. La perception à l’égard de la technologie devient essentielle. Il est important de savoir si cette technologie représente une contrainte au travail ou une absence de valeur ajoutée pour les personnes utilisatrices. Cette situation est d’autant plus vraie quand il s’agit d’une nouvelle technologie peu connue ou peu déployée dans un secteur d’activité.
Si l’outil répond à un changement de pratique planifié et connu, des efforts sont nécessaires auprès du fournisseur. Comme les entreprises technologiques développent des produits spécialisés, il est possible que cette technologie ne corresponde pas au changement de pratique prévu. Dans cette situation, plusieurs modifications pourraient être nécessaires auprès du fournisseur. Il devient impératif de bien encadrer la gestion contractuelle et d’anticiper au mieux les imprévus. Le développement de nouvelles fonctionnalités pour répondre à l’ensemble des besoins de l’organisation peut représenter des ressources financières et humaines très importantes.
Considérant les liens entre l’adoption de technologies et les changements de pratique, la transformation numérique doit être intégrée dans la planification stratégique de l’organisation. De ce fait, les organisations peuvent emboiter le pas dans ces grands changements organisationnels sans que l’urgence d’agir et la promesse d’une technologie révolutionnaire dominent les réflexions. Les organisations peuvent alors choisir des outils technologiques qui sont en étroite cohérence avec leur stratégie organisationnelle et pour laquelle elles investissent les bonnes ressources.
Afin de stimuler la réflexion, nous vous proposons ces trois questions:
Innovation, Sciences et Développement économique Canada. (2024). Profil du secteur canadien des TIC 2023. Direction générale des technologies numériques et de l’investissement.
Ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie. (2024). Tableau de bord du numérique – Intégration d’Internet aux processus d’affaires, Québec. Québec.
Richard Rioux est psychosociologue et conseiller en ressources humaines agréé.
Facteur H est un espace convivial de référence francophone en ressources humaines pour rester à l’affût des nouvelles tendances et trouver des solutions concrètes et applicables aux défis organisationnels d’aujourd’hui et de demain.