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Au-delà de la positivité toxique: écouter pour inclure

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Martine Lafrance 1 octobre 2025

«Ici, tout le monde est traité pareil» ou «il faut rester positif»… Ces phrases, lancées avec de bonnes intentions, peuvent pourtant blesser. Dans un milieu de travail, surtout lorsqu’il est question d’équité, de diversité et d’inclusion (ÉDI), elles risquent de faire taire plutôt que d’ouvrir le dialogue.

La fameuse positivité toxique ne vient pas du désir de bienveillance, mais du réflexe d’éviter les émotions inconfortables: les nôtres et celles des autres. Plutôt que de parler de «trop de positif», nous devrions plutôt parler d’un manque d’écoute et d’empathie authentiques. C’est ce dont les gestionnaires et leurs équipes ont réellement besoin pour bâtir un climat inclusif.

Quand la positivité devient un mur

La positivité toxique, c’est ce petit «ça va aller» ou ce «regarde le bon côté des choses» qui ferment la porte aux émotions difficiles.

Au travail, ça peut ressembler à ceci:

  • Un employé mentionne un commentaire sexiste reçu. On lui répond: «Ne le prends pas personnel, tu es chanceux d’avoir ce poste.»
  • Une collègue exprime son épuisement. On lui dit: «Tu devrais être reconnaissante, beaucoup aimeraient être à ta place.»

Dans ces moments, la personne n’entend pas de reconnaissance, mais plutôt un message qui invalide son vécu. Vouloir imposer l’optimisme «en toutes circonstances» peut devenir une forme de toxicité (Revue Gestion).

Cela dit, le positivisme n’est pas mauvais en soi. Au contraire! Certaines personnes ont naturellement la capacité de voir le bon côté des choses et de continuer à avancer malgré la douleur et la tristesse. C’est une force précieuse, surtout en milieu de travail. Mais pour que cette force soit réellement constructive, il faut éviter de rester dans le déni: les émotions doivent d’abord être reconnues, acceptées, exprimées, puis transformées en actions. Ces quatre piliers de la gestion émotionnelle sont essentiels pour les gestionnaires comme pour les équipes, car ils permettent de conjuguer optimisme et empathie dans une culture organisationnelle inclusive.

Les effets pour les équipes et les organisations

Ce type de réponses bien intentionnées, mais maladroites, peut avoir de lourdes conséquences:

  • Les personnes concernées se sentent invisibles et isolées
  • Les problèmes réels (discrimination, microagressions, climat malsain) ne sont pas traités
  • Le climat de travail se détériore, ce qui augmente les risques psychosociaux, l’absentéisme et même les plaintes formelles

Le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail rappelle que la civilité, le respect et le soutien psychosocial sont des piliers pour un milieu sain. Or, la positivité toxique va exactement à l’encontre de ces valeurs.

Le rôle clé des gestionnaires RH et des collègues

Bien sûr, écouter de manière empathique et authentique n’est pas toujours simple. Les émotions négatives exprimées par une autre personne peuvent résonner en nous, réveiller nos propres blessures ou créer un inconfort. C’est normal de ressentir une résistance. Reconnaître ce malaise est déjà une première étape: cela permet d’offrir une présence sans se fermer et de procurer à l’autre un espace sécurisant malgré nos propres échos intérieurs.

Réagir autrement qu’avec une phrase toute faite, c’est un vrai défi. Mais c’est aussi une compétence qui se travaille. Il est possible de développer des réflexes simples mais puissants:

  • Écouter activement: laisser la personne parler sans chercher à corriger ou à minimiser
  • Valider les émotions: reconnaître leur légitimité («Je comprends que cette remarque t’ait fait de la peine.»)
  • Faire preuve d’empathie: essayer de voir la situation du point de vue de l’autre, poser des questions pour comprendre
  • Passer à l’action: soutenir la personne et, si nécessaire, intervenir pour corriger la situation

Comme le souligne la Commission de la santé mentale du Canada, «écouter sans jugement et démontrer de l’empathie» est un levier puissant pour améliorer le climat de travail.

Construire une culture d’inclusion au quotidien

Une culture inclusive ne repose pas seulement sur des politiques écrites ou des formations ponctuelles. Elle se tisse chaque jour, dans la manière dont on se parle, dont on accueille la vulnérabilité et dont on soutient les personnes qui vivent des situations difficiles:

  • Chaque écoute sincère renforce la confiance (entre les individus et pour chaque personne)
  • Chaque émotion validée envoie le message: «Tu as ta place ici.»
  • Chaque intervention courageuse construit un climat de respect (envers les victimes, les gestionnaires et l’organisation)

La CNESST rappelle que la civilité, l’écoute active et le tact sont des compétences essentielles pour prévenir les risques psychosociaux. C’est aussi la base d’une culture où l’ÉDI devient réelle et vécue.

La positivité toxique met en lumière une difficulté bien présente: celle de ne pas savoir comment accueillir la souffrance ou l’inconfort, mais surtout, d’apprendre à écouter avec authenticité. En choisissant d’écouter, de valider et d’agir, les gestionnaires et les collègues transforment chaque moment difficile en une occasion de bâtir la confiance et l’inclusion.

Revue Gestion. (2025). Attention à la positivité toxique. Revue Gestion, HEC Montréal.

CCOHS. (2022-2024). Facteurs de risques psychosociaux; Civility and Respect. Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.

MHCC. (2013-2022). Norme nationale du Canada sur la santé psychologique en milieu de travail (CSA Z1003 / BNQ 9700-803). Commission de la santé mentale du Canada.

CNESST. (2023-2025). Santé psychologique et prévention des risques psychosociaux. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.

Mayer, J. D., & Salovey, P. (1997). What is emotional intelligence? In P. Salovey & D. J. Sluyter (Eds.), Emotional development and emotional intelligence: Educational implications (pp. 3-31). Basic Books. https://nobaproject.com/modules/emotional-intelligence?

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