Entrevue avec Manon Gauvreau, Ville de Lévis
Originaire de la Côte-Nord, Manon a œuvré dans les secteurs manufacturier, minier et papetier chez Multi-Marques avant d’intégrer le Groupe Labrie à Lévis. C’est finalement à la Ville de Lévis qu’elle s’est établie il y a treize ans pour assumer un rôle de direction de la fonction RH. Cette trajectoire, marquée par des environnements de travail très différents, lui a permis de développer une grande agilité, une compréhension fine des enjeux opérationnels et, surtout, une conviction: les équipes RH doivent être des créatrices de valeur.
Son expérience dans le secteur privé, notamment chez Multi-Marques où elle assumait seule la gestion de la fonction RH en région, s’est révélée déterminante. Dans ce contexte, elle s’est rapprochée du terrain, des ventes et des opérations. «Mon rôle était de les soutenir», explique-t-elle. Cette proximité avec les équipes est devenue, au fil du temps, un pilier de sa pratique: elle croit fermement que pour être une partenaire crédible, les équipes RH doivent comprendre les réalités des gestionnaires et contribuer activement à l’atteinte de leurs objectifs d’affaires.
Cette conception des équipes RH comme facilitatrices constitue selon elle une réponse à l’un des grands angles morts actuels de la profession. Trop souvent, dit-elle, les équipes RH se limitent à des tâches transactionnelles, alors qu’elles devraient jouer un rôle stratégique aligné sur la mission de l’organisation. C’est particulièrement vrai dans un environnement municipal comme celui de la Ville de Lévis, où les ressources humaines doivent composer avec une grande diversité de métiers (plus de 300), de générations, de contextes syndicaux et de priorités citoyennes.
À la Ville, Manon a aussi traversé des périodes de turbulence, notamment en vivant l’arrivée de trois directeurs généraux en l’espace de deux ans. Ce type de transition démontre bien l’importance de la gestion du changement, un autre enjeu qu’elle considère encore comme trop négligé. Elle déplore que certaines organisations voient cette démarche comme une perte de temps, alors qu’elle est essentielle pour assurer le succès et la durabilité d’une transformation. Pour elle, bien gérer le changement signifie informer, impliquer, former et, surtout, valoriser les réussites. «En RH, on est parfois trop humbles», dit-elle, suggérant que la reconnaissance des bons coups est aussi un moteur de mobilisation.
Elle évoque également la tendance à survaloriser certains concepts à la mode, comme l’«expérience employé». Si elle reconnaît son importance, elle rappelle que créer des conditions favorables à l’épanouissement et à la performance est depuis toujours le cœur de la profession RH. Il ne s’agit donc pas d’une révolution, mais d’un retour aux fondements du rôle RH: écouter, comprendre, agir.
Dans son travail quotidien, Manon s’appuie sur des outils concrets et une communication ciblée, notamment ceux proposés dans les livres et les formations d’Isabelle Lord, qui l’ont particulièrement marquée. Elle insiste sur l’importance d’adapter son message à son auditoire et de bâtir des plans de communication solides, en particulier dans les contextes sensibles. Une bonne communication, dit-elle, est aussi une preuve de considération envers les employés et employées.
Quant à sa source d’inspiration, elle la trouve d’abord dans son équipe. Elle valorise la complémentarité des talents et l’apport de collègues qui la poussent à se remettre en question. À ce stade de sa carrière, Manon sait que la pertinence se cultive dans l’échange, l’apport des autres et la capacité à se renouveler continuellement.
Manon insiste sur un aspect qu’elle juge trop souvent négligé dans les processus de dotation: le parcours. Pour elle, ce qu’une personne a vécu, les mandats réalisés et les obstacles qu’elle a surmontés sont des indicateurs puissants de ses compétences et de son potentiel. Un passé dans le privé, par exemple, amène souvent de l’agilité, un sens des affaires développé et une compréhension du terrain, des atouts précieux même dans un contexte municipal. À l’inverse quelqu’un qui connaît bien les codes du secteur public sera beaucoup plus à l’aise de naviguer dans les processus administratifs et de reddition de compte et aura sera plus sensible à l’impact politique des orientations et des décisions.
Sa priorité à la Ville de Lévis est claire: préparer la relève, la sienne et celle des autres. Elle souhaite que la Ville de Lévis puisse continuer à avancer sans heurts. Pour elle, assurer cette continuité serait la preuve ultime qu’elle a bien accompli sa mission: bâtir une fonction RH forte, créatrice de valeur et tournée vers l’avenir.
Manon conclut en rêvassant: «Si je m’adressais à la jeune professionnelle que j’étais en début de carrière, je lui dirais que certains moments seront difficiles, comme l’accompagnement des employés et employées lors de fermetures d’usines, mais j'insisterais sur le fait que cette carrière la comblera de sens, de défis et de rencontres enrichissantes.»
Son énergie et son authenticité conjugués à son expérience probante en gestion en font une consultante et une conférencière recherchée.
Facteur H est un espace convivial de référence francophone en ressources humaines pour rester à l’affût des nouvelles tendances et trouver des solutions concrètes et applicables aux défis organisationnels d’aujourd’hui et de demain.