Les pièges du favoritisme

Jorj Helou
Jorj Helou 19 Décembre 2025

Vous aspirez à faire preuve d’humanité mais craignez de commettre une injustice? Vous avez déjà aidé une personne mais, au bout du compte, avez créé un malaise dans votre équipe? Nombre de gestionnaires doivent composer avec cette réalité.

Les mesures d’accommodement sont souvent perçues comme du favoritisme. Voici comment en éviter les pièges.

Piège no 1 : Le soutien personnalisé perçu comme un traitement de faveur

Julie, gestionnaire d’équipe, apprend que Thomas traverse une période difficile. Elle lui accorde davantage de flexibilité sur ses horaires et lui confie les tâches qu’il préfère, souhaitant l’aider à retrouver motivation et équilibre. Quelques semaines plus tard, elle sent une tension sourde dans l’équipe. Certaines personnes murmurent que Thomas est « le chouchou »; d’autres se demandent pourquoi leurs propres demandes demeurent sans réponse.

Le dilemme. Julie veut sincèrement soutenir un collaborateur qui en éprouve le besoin. C’est une approche humaine et nécessaire. Toutefois, en ne communiquant pas clairement ses décisions en lien avec les accommodements, elle crée un sentiment d’injustice dans son équipe. Marie, par exemple, aurait voulu bénéficier d’un aménagement de temps de travail. Elle n’a pas osé le demander, convaincue de ne pas être suffisamment dans les bonnes grâces de Julie.

Que faire? Miser sur la transparence équitable

L'intention de Julie est louable, mais la méthode manque de transparence. Vous n'avez pas à divulguer le contexte de la personne que vous aidez, mais vous devez vous assurer que tous les membres de l’équipe connaissent les possibilités d'accommodement.

  • Communiquez l'existence du cadre. Expliquez à l'équipe que vous adaptez parfois les pratiques selon les besoins de ses membres, dans les limites permises par l'organisation, et que ce processus est accessible à tous et à toutes.
  • Encouragez la prise de parole. Invitez vos collaborateurs et collaboratrices à exprimer leurs propres besoins de manière structurée (par exemple, lors d'un entretien individuel).
  • L’accommodement, pour être accepté, doit être accessible et équitable.

Piège no 2 : Les affinités naturelles qui biaisent les décisions

Marc, leader dynamique, s’entend particulièrement bien avec Pierre et Sonia. Il rit plus volontiers à leurs blagues, sollicite souvent leur avis et leur confie les projets les plus stimulants, car « il leur fait confiance ». Les autres membres de l’équipe, moins proches de Marc, se sentent mis à l'écart et ne disposent pas autant d'occasions de faire leurs preuves.

Le dilemme. Les affinités sont inhérentes aux relations humaines. Il est naturel de privilégier les interactions avec les personnes avec qui les échanges sont plus fluides. Mais ce penchant influence inconsciemment les décisions de Marc, créant un déséquilibre dans l'octroi des projets valorisants. C'est le terreau de la partialité.

Que faire? Contrôler ses interactions

Le favoritisme n'est souvent pas un acte malveillant, mais le résultat d'un biais d'affinité non maîtrisé.

  • Variez activement vos interactions. Prenez le temps de discuter avec tous les membres de l’équipe; pas seulement avec les personnes envers qui vous ressentez le plus d’affinités. Planifiez des rencontres individuelles et des suivis réguliers avec chaque personne.
  • Formalisez l'attribution des projets. Adoptez des critères clairs et objectifs pour assigner les projets : compétences requises, potentiel de développement, charge actuelle, etc.
  • Sollicitez la rétroaction. Demandez à votre équipe si la répartition des mandats lui semble juste.

Piège no 3 : L’efficacité qui écrase le potentiel et l'équilibre

Sophie répartit les tâches selon les compétences et les disponibilités des membres de son équipe. Louis, très performant, hérite systématiquement des dossiers les plus complexes. Au fil du temps, il se sent surchargé et, d’une certaine façon, pénalisé en raison de son expertise. De son côté, Émilie, ambitieuse et prête à relever des défis, s'estime sous-utilisée et considère manquer d’occasions pour prouver son potentiel.

Le dilemme. En voulant maximiser l'efficacité à court terme (donner le dossier au plus performant), Sophie sacrifie l'équilibre de la charge de travail et le développement des compétences à long terme. Résultat : Louis s’épuise et Émilie se désengage.

Que faire? Prioriser le développement des personnes et l'équilibre de la charge

Une bonne répartition des tâches doit servir à la fois l'efficacité et la progression de tous les membres de l'équipe.

  • Communiquez les critères d’attribution des projets. Expliquez que les dossiers sont assignés en fonction des compétences ET des plans de développement individuels.
  • Protégez vos ressources les plus performantes. Assurez-vous que ces personnes puissent respirer, mais aussi qu’elles soient à même de transmettre leur savoir. La surcharge constante est la voie vers l’épuisement et, ultimement, le désengagement.
  • Favorisez l’apprentissage. Confiez une partie d’une tâche complexe à une personne moins expérimentée (en binôme ou avec soutien) pour qu'elle puisse grandir. L'équité, c'est aussi garantir l'accès aux défis.

Piège no 4 : La gestion des erreurs à géométrie variable

Lorsqu’Éric fait une erreur, son gestionnaire, Sylvain, minimise l’incident car cet employé est « normalement excellent » dans son travail. Mais quand Stéphanie commet une faute, la réaction de Sylvain est beaucoup plus vive. Rapidement, l’équipe perçoit une injustice criante.

Le dilemme. Sylvain agit dans un but bienveillant : il veut donner une rétroaction récurrente à Stéphanie pour la faire évoluer. Cependant, il passe sous silence l'erreur isolée d'Éric. Cette tolérance inégale, basée sur le statut ou l'historique du collaborateur, mine la confiance collective.

Que faire? Faire preuve de cohérence

Le plus important dans une rétroaction, c’est la cohérence avec laquelle elle est appliquée dans l'équipe.

  • Adoptez une « grille » de conséquences. Appliquez les mêmes critères et le même niveau de gravité pour la même erreur. Une erreur critique est la même pour tous et toutes.
  • Axez la rétroaction sur le comportement et non sur la personne. Peu importe qui a commis l'erreur, l'approche doit rester constructive, factuelle et orientée vers la solution. Par exemple, on peut proposer de mettre en place un processus de double contrôle pour éviter que l’erreur ne se reproduise.
  • Traitez l'erreur comme une occasion d'apprentissage pour l'équipe.

Votre plan d'action pour un leadership équitable

Le leadership bienveillant est une force, mais il exige une vigilance constante. Pour éviter la perception de favoritisme, il faut s'assurer que vos bonnes intentions respectent le principe d'équité : ne pas traiter tout le monde de façon identique, mais garantir à chaque personne des conditions justes et bien communiquées.

Lorsqu’il est conscient et équitable, le leadership devient un moteur de fidélisation et contribue à bâtir une confiance collective solide.

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