Dans un monde du travail qui prône la diversité et l’inclusion, certaines réalités demeurent encore en arrière-plan. On parle beaucoup d’égalité hommes-femmes, d’intégration des personnes issues de l’immigration ou vivant avec un handicap, mais le poids corporel, lui, reste un sujet délicat, presque tabou. Pourtant, il a un impact direct sur l’expérience professionnelle de nombreuses employées.
La recherche est claire : les personnes perçues comme « hors normes » pour une raison de poids subissent plus de préjugés dans leur vie professionnelle. Des études démontrent que les femmes en surpoids sont davantage jugées négativement que les hommes dans la même situation. Les stéréotypes sont tenaces : manque de discipline, paresse, absence de professionnalisme… autant de clichés qui persistent, même inconsciemment, dans les processus de recrutement ou d’évaluation.
La grossophobie, explicite ou implicite, influence l’accès à l’emploi, les promotions et parfois même le salaire. Et contrairement à d’autres formes de discrimination, elle reste rarement dénoncée. On entend peu d’employées dire : « On m’a mise de côté parce que je porte du 18 ans et non du 8 ans. » Pourtant, les données indiquent que cela arrive bel et bien.
Dans l’imaginaire collectif, une « bonne employée » doit non seulement livrer ses dossiers à temps, mais aussi se conformer à une certaine image. Les magazines, les réseaux sociaux et même certaines campagnes de santé publique nourrissent l’idée qu’un corps mince équivaut à un corps en santé, donc à une personne plus performante et fiable.
Le problème? La réalité biologique et sociale est beaucoup plus complexe. La santé ne se lit pas sur un tour de taille, et les compétences professionnelles ne se mesurent pas à l’aide d’une balance. Pourtant, dans les milieux de travail, le réflexe visuel domine souvent : on associe minceur à rigueur et rondeurs, à relâchement.
Cela se traduit aussi dans le non-verbal : une employée ronde qui mange une salade au bureau sera perçue comme étant « au régime », tandis que la même salade dans l’assiette d’une collègue mince passera pour une simple habitude de vie. La norme dicte la lecture qu’on fait des comportements.
Être constamment soumise au regard et aux jugements implicites pèse lourd (sans jeu de mots… ou presque). Cela peut miner la confiance en soi, décourager la prise de parole en réunion ou freiner la volonté de briguer un poste de leadership. Certaines employées choisissent même leurs vêtements pour se faire oublier plutôt que pour s’exprimer.
On note aussi un impact sur la santé physique et mentale : la stigmatisation liée à l’embonpoint est associée à davantage de stress, d’anxiété et de symptômes dépressifs. Ironiquement, elle peut aussi décourager l’adoption d’habitudes de vie positives, parce que la personne réprouvée se sent jugée avant même d’avoir la chance de démontrer ses compétences ou ses efforts.
Face à cette constatation, que peuvent faire les responsables des ressources humaines? Beaucoup, en fait. Les RH occupent une position stratégique pour remettre en question les normes implicites et instaurer des pratiques inclusives. Voici quelques pistes :
Pourquoi se préoccuper de ce sujet en entreprise? Parce qu’il ne s’agit pas seulement de bienveillance, mais aussi de rendement organisationnel. Une employée qui sent que son apparence est un obstacle invisible peut perdre motivation, engagement et créativité.
À l’inverse, un milieu qui reconnaît et valorise la diversité corporelle attire et retient mieux ses talents. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, il serait dommage de se priver des compétences d’une candidate qui ne correspond simplement pas à une norme esthétique implicite.
La rotondité ne devrait pas être un facteur déterminant de la carrière d’une employée. Pourtant, elle le demeure trop souvent. Les RH jouent un rôle central pour déconstruire les préjugés et créer des environnements de travail où la compétence l’emporte sur l’apparence.
En fin de compte, une entreprise inclusive, c’est aussi une entreprise où toutes les silhouettes peuvent avoir leur place… du XS au XXL, même au-delà. Après tout, la vraie mesure de la valeur d’une employée, ce n’est pas son tour de taille, mais la largeur de ses idées.
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Marianne Lefebvre est nutritionniste spécialisée en nutrition internationale et membre de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec. Elle se concentre depuis 15 ans sur la santé des Néo-Canadiens et des Canadiens avec une approche interculturelle à travers des organisations et des entreprises.
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