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IA et emploi: des impacts selon l’expérience

Emilie Pelletier
Emilie Pelletier
Didier Dubois
Didier Dubois 2 septembre 2025

Depuis quelques années, un mouvement de fond se faisait sentir : l’intelligence artificielle, et plus particulièrement son aspect génératif, allait bousculer tout ce qu’on croyait immuable dans nos milieux de travail. Aujourd’hui, c’est une véritable révolution qui est en train de s’opérer. Les chiffres sont stupéfiants : d’ici 2030, la valeur ajoutée par l’IA au niveau mondial devrait atteindre 13 000 milliards de dollars, selon McKinsey1. Mais c’est surtout l’impact sur les gens qui nous intéresse. L’impact concret, qui change la vie au travail et qui dépend du moment où on se situe dans sa carrière. Parce que les effets de l’IA ne sont pas uniformes. Au début de leur carrière, certaines personnes peuvent utiliser leur expérience comme un levier, alors que, pour d’autres, elle peut devenir un obstacle. Cela soulève une question délicate, mais cruciale : comment soutenir cette transformation lorsque l’IA ne touche pas les emplois de manière uniforme, mais restructure en silence les dynamiques d’apprentissage, d’autonomie et de progression?

Une IA qui catapulte les novices… tout en faisant disparaître leurs bases

Tout d’abord, concentrons-nous sur les novices, ceux et celles qui viennent tout juste de commencer dans leur domaine. Les recherches sont claires : l’IA peut devenir un tremplin formidable. Dans des fonctions telles que le support à la clientèle, par exemple, elle augmente la productivité des personnes moins expérimentées de plus de 34 %2; un bond prodigieux qui laisse croire à un raccourci de carrière. En capturant les savoirs tacites des spécialistes, l’IA offre une forme de mentorat numérique, permettant aux recrues d’acquérir des compétences en quelques mois seulement. Un outil puissant, qui abaisse les barrières à l’entrée et rend accessibles des connaissances auparavant réservées aux initiés.
Cependant, il y a un problème de taille. Cette même IA, qui aide les jeunes, retire aussi les fondations de leur apprentissage. Les tâches simples et répétitives, comme prendre des notes, rédiger des courriels et préparer des rapports, qui constituaient l’ossature de l’apprentissage par l’expérience, disparaissent. Par conséquent, le précieux « apprentissage dans l’action » qui permettait aux débutants et débutantes de comprendre les rouages profonds d’un métier n’est plus possible.
En d’autres termes, on propulse des jeunes vers le haut sans leur fournir les échelons nécessaires pour y parvenir. Dans certains secteurs, comme celui de la cybersécurité, on observe déjà un phénomène étrange : les postes de premier niveau exigent… quatre ans d’expérience. Ce paradoxe – des novices qui doivent déjà être chevronnés – pourrait bien créer un angle mort dans nos organisations. Car, que deviendront les leaders de demain si les bases leur échappent aujourd’hui?

Une IA qui libère, mais à condition de savoir s’en servir

En ce qui concerne les personnes expérimentées, la situation n’est pas plus simple. D’un point de vue strictement productif, l’IA ne semble pas améliorer significativement les performances quotidiennes. Le miracle qu’on aurait pu en attendre ne s’est pas produit. Par contre, elle transforme autre chose de bien plus stratégique : leur rôle. En automatisant les tâches à faible valeur ajoutée, l’IA leur permet de gagner du temps. Et ce temps libéré peut être réinvesti dans des interventions à forte valeur ajoutée : stratégie, innovation, mentorat, gestion des situations complexes. Ainsi, même si la productivité reste stable, la valeur des experts et des expertes augmente.3 Les données économiques sont claires à ce sujet : une stabilité accrue de l’emploi, une augmentation des salaires et des perspectives élargies sont à portée de main à condition d’acquérir cette agilité numérique nécessaire pour s’adapter.

Mais attention! L’expérience seule ne suffit plus. C’est la combinaison entre l’expertise métier et la maîtrise des outils numériques qui fait la différence. Les travailleuses et travailleurs d’expérience qui éprouvent des difficultés à s’adapter à la révolution technologique en raison d’un manque de formation, de fatigue ou de découragement pourraient être pénalisés, car ils et elles sont particulièrement vulnérables à ce risque. Pas à cause d’un manque de compétences, mais parce que l’investissement dans leur développement n’est pas toujours une priorité. En effet, les personnes plus expérimentées sont parfois perçues comme ayant moins besoin de formation, ce qui est une corrélation erronée.

Une conclusion en forme d’appel à l’action : réinventer les parcours d’apprentissage

Bien entendu, l’IA ne remplace pas les êtres humains, mais elle transforme indéniablement et en profondeur les conditions de leur épanouissement. Cette reconfiguration nécessite une réponse adaptée au niveau d’expérience de chacun et chacune.

Pour les novices, il ne suffit plus de leur fournir un outil puissant. Il faut aussi leur offrir de nouvelles méthodes pour apprendre les bases. Si ces personnes ne disposent plus de petites tâches répétitives pour comprendre en profondeur l’organisation, il faut créer des expériences d’intégration, de rotation et de mentorat qui rempliront cet office.

Pour ceux et celles qui ont plus d’expérience, le défi est différent : il faut les aider à redéfinir leur rôle. Il faut les former, les outiller, leur donner la possibilité de devenir les stratèges, les mentors et mentores, les leaders de cette nouvelle ère. Il ne s’agit pas de les rajeunir, mais de leur donner les moyens de transformer leur sagesse en une énergie dynamique.
Au milieu de toute cette mouvance, une chose est cependant certaine : l’avenir ne se jouera pas dans le choix entre la machine et l’être humain. Il dépend plutôt de notre habileté à bâtir des ponts entre les générations, les expertises et les connaissances techniques et humaines.

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Emilie Pelletier
À propos de Emilie Pelletier

Emilie est cofondatrice et rédactrice en chef du e-magazine FacteurH.com ainsi qu'animatrice de l'émission Web VecteurH.

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Didier Dubois
À propos de Didier Dubois

Didier Dubois a cofondé HRM Groupe en 2006 qui s'est joint à Humance en 2023.

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