Développement organisationnel et expérience employé
Dans les périodes de tension économique ou politique, le gel des embauches est souvent considéré comme la première mesure à prendre. Elle est décisive, immédiate et visible. C’est un message clair envoyé aux actionnaires, au public, au personnel : « Nous reprenons le contrôle ». Que ce soit dans les ministères, les entreprises privées ou les OBNL, cette stratégie séduit autant qu’elle inquiète.
Toutefois, un gel des embauches, aussi justifié soit-il dans certains contextes, ne devrait jamais être une décision automatique. Elle exige une réflexion approfondie, du discernement et surtout une vision plus large que la simple maîtrise des coûts.
Lorsque l’avenir est incertain, il peut être tentant de suspendre temporairement les embauches. Ça rassure. Ça donne l’impression de faire preuve de rigueur. Et c’est souvent un réflexe en réponse à la pression externe, qu’elle vienne des instances financières, des autorités politiques, des médias ou du public.
Mais ce réflexe, s’il n’est pas accompagné d’une réflexion stratégique et humaine, peut rapidement se retourner contre l’organisation :
Disons-le d’emblée : un gel des embauches ne résout pas les problèmes de productivité. Dans bien des cas, il les aggrave. Si un département ou une équipe a besoin de main-d’œuvre pour atteindre les résultats attendus, refuser de pourvoir un poste peut nuire à la performance. On finit par faire plus avec moins… de sens.
Et c’est sans parler des coûts cachés qu’une telle décision entraîne. La surcharge du personnel mène à son absentéisme, à sa démission et à sa démotivation. La clientèle le perçoit et l’organisation finit par perdre en réputation, en efficacité et, ultimement, en revenus – tout l’inverse de ce que la mesure était censée produire.
Dans les OBNL, où les ressources humaines sont souvent limitées à une personne par fonction, un gel des embauches signifie souvent un arrêt pur et simple du service ou un report de la charge sur la direction générale ou les équipes restantes. Le modèle devient alors insoutenable.
Dans les grandes organisations, qu’elles soient publiques ou privées, les impacts sont tout aussi réels : si l’on impose un gel des embauches sans requalifier[1] les équipes, sans réorganiser les priorités et sans simplifier les processus, on obtient une structure figée, déconnectée, inefficace.
Ce n’est pas qu’une question de budget : c’est une question de vision.
Comme je l’écrivais dernièrement dans une note stratégique, il est important de dépasser le réflexe de réduction budgétaire et d’adopter plutôt une approche axée sur la transformation. Un gel des embauches peut s’avérer nécessaire, mais il doit être précédé d’un examen approfondi des points suivants :
C’est ici que la notion de « sécurité de parcours » entre en jeu. Elle s’oppose à celle, figée, de « sécurité d’emploi ». Guider les transitions, favoriser la mobilité interne, reconnaître les compétences transférables : autant de pistes pour ajuster la voilure sans mettre en péril le navire.
Avant de prendre une décision hâtive, requestionnez-vous trois fois sur la pertinence de faire un gel d’embauche. Ensuite, considérez ces options :
→ Prioriser les postes clés ayant un impact significatif sur la qualité du service ou la transformation.
→ Éliminer les étapes superflues, numériser, standardiser, déléguer judicieusement.
→ Identifier les secteurs sous-utilisés, puis développer les compétences nécessaires pour combler les besoins critiques.
→ Les intégrer dès le départ à la réflexion pour bâtir des solutions ancrées dans la réalité du terrain.
→ Un gel des embauches ne devrait jamais être décrété sans échéancier ni plan d’atténuation.
Le leadership ne réside pas dans les décisions spectaculaires, mais plutôt dans les choix ancrés dans la cohérence, le respect et le sens. Suspendre les embauches simplement pour le faire n’est pas une solution durable. Agir avec discernement permet d’obtenir des résultats à long terme.
Cela dit, un gel des embauches peut s’avérer bénéfique, mais à condition qu’il soit précédé d’un diagnostic rigoureux, d’une planification humaine et d’un engagement ferme envers la prestation des services.
Le gel des embauches n’est pas un sujet tabou, mais ce n’est pas non plus une panacée. C’est un outil parmi d’autres qui doit être utilisé avec doigté. Son efficacité dépend de ce qui le précède, de ce qui l’accompagne et de la façon dont on respecte les humains qui font vivre nos organisations, même en période de turbulence.
C’est justement pour évaluer l’ensemble des options humaines, financières, opérationnelles et symboliques qu’il est non seulement utile, mais essentiel, d’avoir des spécialistes en ressources humaines au sein de nos conseils d’administration, de nos équipes de direction et dans les appareils gouvernementaux.
[1] La requalification de la main-d’œuvre est l'action de prendre des gens qui étaient qualifiés pour faire leur travail et qui, à cause d'un changement techno ou autre, doivent apprendre un nouveau métier tout en gardant leur même titre d'emploi bien souvent.
Geneviève accompagne les leaders, les organisations et les conseils d’administration dans leur transformation humaine et stratégique depuis plus de 30 ans.
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