Faire autrement, ensemble

Portrait de Mélanie Chevrier, directrice Talent et Culture – Collège Sainte-Anne

Avec des études en science politique et en administration publique, cette ancienne gestionnaire d’équipes de transformation et de finances au sein du gouvernement, devenue ensuite consultante, a compris, au fil des ans, que ce qui l’animait réellement, ce n’était pas les systèmes complexes, mais le développement des individus et des équipes. « J’aimais la mission, mais pas la hiérarchie. Je voulais sentir que je contribuais concrètement », explique-t-elle. Ce qui la motive trouve aujourd’hui un ancrage concret dans un lieu d’avant-garde : le Collège Sainte-Anne, un établissement privé francophone québécois en pleine expansion, où l’innovation pédagogique côtoie une culture organisationnelle qui valorise la différence comme levier de développement.

C’est presque par hasard qu’elle découvre le Collège Sainte-Anne, alors que son fils cherche l’école secondaire qu’il fréquentera. Séduite par une approche pédagogique différente, elle postule comme partenaire RH, sans trop d’attentes. « Je n’avais pas une formation RH classique, mais j’ai senti une ouverture. C’est ce qui m’a accrochée tout de suite : ici, les parcours atypiques sont valorisés. »

Sainte-Anne, c’est un écosystème éducatif qui réunit six établissements, près de 600 employés et employées, et 5 000 élèves. Depuis dix ans, le réseau a connu une croissance rapide, intégrant d’autres écoles, harmonisant les conditions de travail – qu’elles soient syndiquées ou non – tout en gardant une ligne directrice claire : placer l’humain au cœur des décisions et des actions.

Le Collège se distingue par son approche pédagogique unique, fondée sur les compétences globales appelées les « 6C » : collaboration, créativité, pensée critique, communication, citoyenneté et courage. Chaque établissement propose des projets éducatifs soutenus par une vision innovante qui inclut notamment la pédagogie active et l’interdisciplinarité. Les élèves apprennent à travers des projets et des mises en situation concrètes qui se déroulent dans des environnements physiques conçus pour être flexibles. Il n’y a pas de traditionnelles rangées de pupitres : les élèves travaillent là où ils et elles se sentent efficaces, que ce soit dans la classe ou le corridor, seuls ou en groupe.

Parmi les projets structurants de Sainte-Anne, on compte la création interne de l’application Emilia, qui assiste les enseignants et les enseignantes dans la correction linguistique. « On fait des choses qu’une école ne fait habituellement pas. Ça inspire le ministère de l’Éducation, de même que le milieu des affaires. Nous avons remporté deux prix aux Mercuriades 2024 : Entreprise de l’année (PME) et Stratégie d’affaires à succès (volet PME). », sourit Mélanie.

Fidèle à sa vision, Mélanie ne veut pas d’une fonction rigide, administrative ou déconnectée. « Les RH, ce n’est le boss de personne. C’est un service-conseil, des partenaires qui accompagnent, forment et soutiennent. On ne se substitue pas au rôle de gestion de nos leaders ». Les RH ne sont pas un service isolé, mais une fonction stratégique intégrée aux projets de l’établissement. « À Sainte-Anne, le personnel enseignant peut avoir des idées et il disposera des moyens pour les réaliser. C’est ce qui rend ce milieu unique. L’innovation ne vient pas d’en haut; elle émerge des équipes, nourrie par un environnement propice à la confiance. »

Mélanie voit des parallèles évidents entre cette approche éducative et les ressources humaines : « Ce qu’on applique aux élèves – séances d’admission avec ateliers collaboratifs, évaluation continue, rétroaction par les pairs, valorisation de l’expérience – on le transpose aussi à notre personnel. Les pratiques de gestion évoluent, et on peut clairement s’inspirer de l’innovation pédagogique pour repenser la gestion du talent. »

En ce sens, Mélanie exprime son souhait : « J’ai l’espoir que, en tant qu’êtres humains, on fera une place toujours plus grande à la différence sous toutes ses formes, dont la neurodiversité. Il ne s’agit pas d’implanter des politiques spécifiques, mais plutôt d’adopter un regard bienveillant et informé sur les différences individuelles ». Pour les personnes qui s’intéressent au sujet, elle cite l’ouvrage Unique(s) : et si la clé du monde de demain, c’était nous? d’Alexandre Pachulski, qui explore la singularité humaine à l’ère de l’intelligence artificielle. « Ce livre m’a bouleversée. Il ne parle pas que de neurodiversité, mais de transformation organisationnelle, de créativité, de sens. Il nous pousse à réintégrer l’humain dans les systèmes. » Elle mentionne aussi l’ouvrage Neurodiversity at Work: Drive Innovation, Performance and Productivity with a Neurodiverse Workforce, écrit par Theo Smith et Amanda Kirby, qui explique comment les particularités neurologiques peuvent se manifester dans les comportements, les apprentissages et, par extension, au travail. « Ce qu’on considère comme un “besoin particulier”, c’est souvent une force en puissance. Il faut juste changer de perspective. »

Son défi actuel? Accompagner la croissance rapide du Collège tout en préservant l’âme de l’organisation. « On grandit, sans vouloir se dénaturer. Il faut continuer à connaître nos gens et garder une proximité, même au sein d’un grand système. » Elle ajoute : « On embauche très tôt pour la rentrée suivante. On ne fait jamais de compromis sur les valeurs. Si une candidature ne correspond pas à notre vision pédagogique, on préfère attendre. C’est ce qui nous permet aujourd’hui d’avoir un milieu attractif et reconnu, même dans un contexte de rareté de main-d’œuvre. »

Ce qui la pousse à aller plus loin chaque jour? « Mon trio, mes enfants. Ils m’inspirent par leur autonomie, leur regard neuf, leur créativité. Ils apprennent différemment, ils posent des questions que je n’aurais jamais osé poser. »

« On ne peut pas transformer une école sans transformer les personnes qui y travaillent. L’innovation commence dans la relation, dans l’écoute, dans le courage de faire autrement. » Guidée par une vision claire et des valeurs fortes, Mélanie Chevrier contribue à faire de Sainte-Anne un milieu où l’on apprend à devenir, à créer et à imaginer le monde de demain.