En arbitrage de griefs au Québec, chaque partie a la discrétion d’administrer sa preuve comme bon lui semble, sans devoir la divulguer au préalable, à moins d’entente entre les parties. Un amendement au Code du travail vient cependant changer la donne.
Le projet de loi no 101, Loi visant l’amélioration de certaines lois du travail, sanctionnée le 28 octobre 2025 (en attente de sanction au moment d’écrire ces lignes) insère au Code du travail le nouvel article 100.3.1, qui impose aux parties une divulgation préalable de la preuve.
Selon ce que l’on comprend des débats ministériels entourant son adoption, l’adoption de cet article fait suite à une demande de la Conférence des arbitres du Québec et vise à éviter les remises d’audience.
Ainsi, dans le cadre de tout arbitrage de griefs qui auront été logés le 28 octobre 2025 ou après cette date, les parties devront dorénavant communiquer à l’arbitre et aux autres parties toute pièce ou élément de preuve qu’elles entendent invoquer à l’audition au moins 30 jours avant le début de l’audience.
L’arbitre et les parties peuvent cependant convenir d’un autre échéancier lors d’une conférence préparatoire.
Cet article prévoit deux exceptions à la règle de la divulgation préalable, soit lorsqu’il y a urgence ou s’il en est décidé autrement pour assurer la bonne administration de la justice.
L’article ne prévoit pas de sanction en cas de manquement à cette obligation de divulgation préalable, mais il est possible d’anticiper qu’une partie pourrait s’appuyer sur cet article en vue de faire porter les conséquences financières associées à un report d’audition lorsque l’autre partie n’a pas divulgué sa preuve en temps utile.
Il sera intéressant de suivre l’évolution de la jurisprudence liée à l’interprétation de cet article.
Quelles situations se qualifieront d’urgences, permettant à une partie de ne pas respecter les délais prescrits? On peut se questionner sur le choix du terme «urgence» alors qu’il semble plutôt que ce soit une situation imprévue qui pourrait justifier le défaut d’une partie de respecter le délai prescrit. Ainsi, l’urgence doit-elle se rapporter à une impossibilité d’agir dans les délais prescrits, ou voulait-on plutôt viser les situations où une preuve est découverte tardivement? Qu’en est-il des situations où «il en est décidé autrement en vue d’assurer la bonne administration de la justice»? Vise-t-on par là la preuve de filature ou autre élément utilisé pour mettre en doute la crédibilité du témoin?
Bien que les conférences préparatoires soient déjà monnaie courante au Québec, ce nouvel article contribuera à ce que les parties doivent ouvrir leur jeu encore plus à l’avance… pour le meilleur et pour le pire.
Conseillère en ressources humaines agréée, Katherine conseille et représente les organisations de tous les secteurs d'activité.
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