Comment se référer à nos valeurs pour prendre des décisions

Mathieu Guénette
Mathieu Guénette 2 Décembre 2025

Nous évoquons souvent les valeurs comme un repère fondamental. Pourtant, au moment de prendre une décision importante comme accepter un poste, réorganiser une équipe, amorcer un changement de vie, elles deviennent soudain floues. On dit « je veux être cohérent avec mes valeurs », mais encore faut-il savoir lesquelles, comment elles interagissent et ce qu’elles révèlent de nos priorités réelles.

Le modèle du psychologue social Shalom Schwartz aide précisément à y voir clair. Son cadre des dix valeurs de base décrit la structure commune à toutes les cultures et offre des repères clairs. Nous tentons d’éviter de parler des bonnes ou mauvaises valeurs, mais plutôt des valeurs qui nous tiennent le plus à cœur.

Un cercle, pas une liste

Contrairement aux inventaires qui alignent les valeurs comme des qualités morales, le modèle de Schwartz les place sur un cercle symétrique. Chaque valeur occupe une position précise selon sa proximité ou son opposition à une autre.

Les dix valeurs sont :

  1. Autonomie
  2. Stimulation
  3. Hédonisme
  4. Réussite
  5. Pouvoir
  6. Sécurité
  7. Conformité
  8. Tradition
  9. Bienveillance
  10. Universalisme

Elles s’organisent autour de quatre grands pôles comme les points cardinaux d’une boussole :

  1. Affirmation de soi : réussite et pouvoir (besoin d’influence, de reconnaissance, d’efficacité).
  2. Dépassement de soi : bienveillance et universalisme (souci du collectif, ouverture, respect du vivant).
  3. Ouverture au changement : autonomie et stimulation (curiosité, créativité, exploration).
  4. Continuité : sécurité, conformité et tradition (stabilité, fidélité, cadre commun).

L’hédonisme se situe à la jonction de l’affirmation de soi et de l’ouverture au changement : la recherche du plaisir fait à la fois appel à la liberté et à la satisfaction personnelle.

Cette symétrie illustre une vérité simple : toute valeur s’équilibre par son opposé. Chercher la performance sans bienveillance mène à la dureté; vouloir l’ouverture sans sécurité conduit à l’instabilité.

Les valeurs se trouvant côte à côte en viennent à se compléter ayant des points communs.

Les six caractéristiques d’une valeur

Schwartz distingue six traits universels qui expliquent pourquoi les valeurs influencent autant nos décisions :

  1. Elles sont émotionnelles : quand une valeur est menacée, la réaction est instinctive.
  2. Elles motivent l’action : on agit d’abord selon ce qui nous importe, souvent sans s’en rendre compte.
  3. Elles dépassent les contextes : une même valeur colore autant le travail que la vie personnelle.
  4. Elles servent de critères : elles orientent nos jugements (ce qui est juste, prioritaire, légitime).
  5. Elles sont hiérarchisées : ce n’est pas leur présence, mais leur ordre d’importance qui crée les différences.
  6. Elles interagissent : une valeur dominante peut en nourrir une autre ou la restreindre.
Comment les utiliser pour décider

Le modèle devient particulièrement utile lorsqu’une décision réveille une tension entre deux valeurs opposées.

Exemple 1 : promotion ou équilibre de vie?

Une professionnelle valorise à la fois la réussite (affirmation de soi) et la bienveillance (dépassement de soi). Accepter une promotion exige plus de temps, mais réduit sa disponibilité familiale.

L’analyse des valeurs lui permet de reconnaître le dilemme non comme une faiblesse, mais comme une tension légitime : elle peut chercher un aménagement qui honore les deux pôles (p. ex., délégation accrue, flexibilité horaire).

Exemple 2 : innovation ou stabilité d’équipe?

Un gestionnaire sent le besoin d’innover (stimulation), mais craint de déstabiliser un climat fragile (sécurité).

Plutôt que de choisir entre audace et prudence, il peut situer sa décision sur la boussole : avancer vers l’ouverture au changement tout en respectant le cadrage de la continuité par une expérimentation limitée ou un projet-pilote.

Exemple 3 : dire non à un mandat lucratif.

Un consultant attaché à l’autonomie réalise qu’un mandat très payant menacerait sa liberté.

Se référer à sa hiérarchie de valeurs l’aide à trancher sans culpabilité : le gain financier ne compense pas la perte d’autonomie.

Une boussole pour les conversations stratégiques

En pratique, il suffit souvent de poser deux questions :

  1. Quelles valeurs sont en jeu dans cette décision?
  2. Lesquelles s’opposent et comment les réconcilier?

Les coachs, les gestionnaires et les professionnels et les professionnelles RH peuvent ainsi aider les gens à nommer les vrais enjeux.

Ce n’est pas « suis-je capable? », mais « qu’est-ce qui compte vraiment pour moi ici? »

Les valeurs ne dictent pas la réponse, elles orientent la direction.
Comme toute bonne boussole, elles ne disent pas où aller, elles indiquent simplement où se trouve le nord – c’est à nous de tracer la route.

Pour approfondir cette pratique, je vous invite à :

  • lire l’article de Shalom Schwartz, Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications;
  • écouter l’épisode 199 du balado Les Ambitieux ici, où je présente une réflexion autour des valeurs à partir d’un personnage fictif.
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Mathieu Guénette
À propos de Mathieu Guénette

Il anime le balado Les Ambitieux, qui compte près de 200 épisodes consacrés à la psychologie, à la gestion et au développement personnel. Ce balado a reçu le Prix de l’orientation 2023 de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec.

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