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Un plan ne suffit pas

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Timothy Lê 3 juin 2025

Dans un contexte où les entreprises sont constamment bousculées - par des facteurs exogènes (guerre commerciale, instabilité géopolitique, envolée des prix de l’énergie, nouveaux concurrents digital native, IA générative…) comme endogènes (vieillissement de l’appareil productif, départs de figures historiques, attentes de la Gen Z, désengagement croissant…) - la transformation n’est plus une option, mais une condition de survie.

Changer de chapitre, rompre avec le « toujours plus de la même chose », revoir son paradigme : voilà l’enjeu partagé. Pour les dirigeant·es, la capacité à transformer rapidement, durablement, et en obtenant l’adhésion de toutes les parties prenantes est devenue une compétence clé en 2025.

Encore faut-il des fondations solides pour qu’une vision prenne vie. Au-delà d’une vision claire et partagée, trois piliers s’avèrent indispensables à toute transformation réussie.

1. L’état d’esprit : la matière première invisible, mais qui fait la différence

Il ne s’agit pas ici des valeurs affichées ou de la culture d’entreprise dans son ensemble, mais de ce qui se joue concrètement dans les moments de tension : ce qui est autorisé, interdit, priorisé.

Un des socles fondamentaux est le Growth mindset (popularisé par Carol Dweck), qui valorise l’apprentissage, le développement et l’expérimentation. Nous l’avons tous en nous. Mais pourquoi certains semblent-ils l’avoir égaré ? Souvent parce qu’ils cherchent à préserver ce qu’ils ont, plutôt qu’à incarner ce qu’ils sont. Parce qu’ils cherchent à projeter une image - un titre, la taille de leur périmètre, le bureau avec vue - plutôt qu’un soi plus profond, avec ses atouts et ses vulnérabilités.

Lors d’un échange à Nagoya, un professeur de leadership soulignait l’importance du locus of control interne : cette conviction que nos actions ont un impact. Que nous ne sommes pas seulement soumis aux événements, mais responsables de ce que nous faisons.

Enfin, l’état d’esprit se révèle dans la manière de recevoir du feedback. Rejeter toute critique? C’est un signal. Être capable de l’accueillir, d’y réfléchir, de ressentir ce que cela touche en soi? C’est un indicateur de growth mindset.

Méfiez-vous des réponses toutes faites du type « si si, je sais » : ce n’est pas une affaire mentale, c’est avant tout le corps qui réagit au feedback.

2. Un plan de transformation adaptable : l’art du bon dosage et du bon timing

Dans un environnement en perpétuel changement, le besoin d’un nouvel état stable se fait sentir. Mais stabilité ne veut pas dire rigidité.

Un plan, c’est essentiel. Un leader sait ajuster ses dosages selon les réactions qu’il observe. La destination reste inchangée. Le chemin, lui, peut-être plus direct ou plus sinueux, passer par des détours inattendus. L’essentiel est de ne pas perdre le cap.

Cela suppose de jongler en permanence entre le temps court (réactivité, pression quotidienne, culture de l’instantanéité) et le temps long (vision, transformation en profondeur). Pour mener sa transformation, un leader se doit de réconcilier les énergies de l’instantané avec les besoins d’un horizon plus vaste, sans nécessairement voir les fruits de ses actions immédiatement.

Ce va-et-vient permanent entre urgence et patience demande une qualité essentielle : de l’endurance, et une conscience de soi et de ses actions.

3. Niveau de conscience élevé et gestion de l’énergie : maîtriser la subtilité du système

Transformer, c’est d’abord accepter l’inconfort, les résistances, les cycles d’énergie. Cela exige une conscience de ce qui se passe en soi, chez les autres et dans l’organisation.

Il ne suffit pas d’observer les symptômes. Il faut remonter aux causes profondes. Un dysfonctionnement dans une instance dirigeante rejaillit quatre niveaux plus bas, souvent de façon amplifiée; c’est ce que j’ai pu observer dans mes accompagnements. Ce qui est subtil en haut devient tangible, voire brutal, plus bas dans l’organisation. D’où la nécessité d’une lecture systémique que seule l’expérience permet d’acquérir. Dit autrement : il faut l’avoir vécu une fois pour en avoir conscience.

Par ailleurs, on confond souvent désengagement et fatigue. Or, ce n’est pas la même chose, même si la photo d’équipe peut se ressembler à un instant T. Quand une organisation est fatiguée, le réflexe n’est pas de mobiliser davantage, mais de ralentir, de soutenir, de régénérer. Le désengagement, lui, appelle d’autres besoins : de sens, de reconnaissance, d’appartenance ou d’autonomie.

Un leader qui veut transformer sans perdre ses équipes doit donc développer trois capacités indissociables :

  • Une conscience de ses actions et de leurs effets
  • Une gestion fine de l’énergie collective
  • Un rapport subtil au temps et à la complexité du système
Conclusion : transformer, c’est avant tout, se transformer

On ne transforme pas une organisation sans se transformer soi-même. C’est la grande œuvre de tout dirigeant.

Cela suppose un travail sur soi : sur son énergie, ses forces et ses vulnérabilités. Cela nécessite de l’expérience pour lire les signaux faibles et comprendre les liens de cause à effet, l’accompagnement de pairs ou de consultants pour créer un effet miroir, et bien sûr, un plan clair, mais ajustable.

C’est cette combinaison (état d’esprit de croissance, plan adaptable, conscience de soi et du système) qui permet d’incarner réellement une vision et de mener à bien sa transformation.

Avant de vous lancer dans votre prochaine transformation, posez-vous ces questions :

  • Comment est-ce que je réagis vraiment face à une remise en cause? Qu’est-ce que mon corps me dit?
  • Ai-je tendance à m’accrocher à mon plan initial ou sais-je ajuster le dosage selon ce que j’observe?
  • Est-ce que je différencie fatigue et désengagement dans mes équipes? Quels sont les signaux faibles que je capte en ce moment?

Car finalement, transformer une organisation, c'est réussir cette subtile alchimie : créer quelque chose de nouveau sans détruire ce qui fait la force du collectif.

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