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Quand la distribution des attributions sème la confusion

jeanfrancois
Jean-François Tremblay 6 novembre 2019

Qu’ont en commun les premiers ministres sortants et tous les entraîneurs du Canadien? Ils ont tous le même biais cognitif qui les amène, de façon plus ou moins consciente, à proposer une interprétation des événements d’une façon plutôt complaisante! De fait, que disent généralement nos premiers ministres? Si l’économie et le marché du travail se portent bien, c’est en raison des politiques que leur gouvernement a mis en place. Si au contraire ça va mal, c’est en raison de la conjoncture économique mondiale, des Américains, de la mondialisation ou autres explications de type deus ex machina. Que disent les entraîneurs de hockey quant à eux? Suite à une victoire, ils mettent en exergue la qualité du plan de match qu’ils ont eux-mêmes élaboré et bien vendu aux joueurs. Lors de la défaite? Un manque d’exécution de la part des joueurs, un effort insuffisant de ces derniers, des erreurs mentales de la part de qui? Des pauvres joueurs! Rarement entendrons-nous un aveu indiquant que le plan de match n’était, au final, pas le bon ou encore un politicien faire un mea culpa quant à la pertinence de ses politiques… Mais cela doit-il nous surprendre pour autant? Pas vraiment quand on s’intéresse quelque peu aux différents biais cognitifs qui mettent du sable dans l’engrenage de notre toute puissante rationalité humaine!

Dans le cadre de notre série sur les biais cognitifs en matière de négociations, nous abordons l’effet d’attribution.

Par sa nature même, l’être humain cherche à protéger ses intérêts et son égo. C’est pourquoi il nous semble naturel d’associer nos succès à des caractéristiques qui nous sont propres, comme nos talents, nos habiletés, notre intelligence, nos efforts alors qu’il est tentant d’attribuer nos insuccès à des causes essentiellement situationnelles, conjoncturelles qui échappent à notre contrôle. Par contre, nous serons souvent rapides sur la gâchette pour expliquer les échecs d’autrui par le manque de compétences, la malveillance ou le manque d’efforts et d’engagement. Rarement, aurons-nous une pensée bienveillante pour excuser les malheurs des autres en raison d’une situation purement situationnelle… comme nous le faisons si aisément pour nous-même!

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crédits: depositphotos.com

Il peut certes être aisé d’attribuer le comportement des autres à leurs intentions parce qu’il est cognitivement plus facile d’agir de la sorte. Les facteurs situationnels qui peuvent influer sur les agissements d’autrui nous sont souvent inconnus ou difficilement accessibles. Au contraire, il nous est fort aisé de percevoir les facteurs situationnels qui interviennent pour influer sur nos propres agissements ayant mené à des insuccès. De fait, les personnes ont souvent tendance à donner plus d’importance à l’influence de la situation quant à leurs propres comportements fautifs et à sous-évaluer celle de leurs motifs ou caractéristiques personnels.

La présence d’un biais d’attribution peut certes faire en sorte d’induire en erreur le négociateur quant à la réelle compétence de son vis-à-vis. En négligeant les facteurs situationnels au détriment d’attributions négatives associées à ceux-ci, le négociateur pourrait par le fait même sous-estimer la personne en face de lui. Pis encore, en mitigeant ses propres insuccès, en plaidant la survenance de facteurs conjoncturels hors de son contrôle, il pourrait éveiller la méfiance de ses commettants qui pourraient le trouver bien rapide à se laver les mains des résultats plus ou moins convaincants à la table des négociations! De fait, une erreur d’attribution importante pourrait certes avoir pour effet de mitiger le nécessaire lien de confiance qui doit exister entre le négociateur et ses mandants, entre le négociateur et les personnes qui l’accompagnent au cours du processus de négociation. 

En définitive, nous devons faire preuve de circonspection dans l’analyse de nos propres comportements et ceux de nos vis-à-vis. Ce qui apparaît à priori comme une malchance fortuite pour nous ou comme des lacunes importantes dans la capacité des vis-à-vis à s’acquitter convenablement de leur mandat, pour des raisons que nous estimons intimement liées à leur personne, est peut-être en fait une simple conjoncture situationnelle pour eux également. Dès lors, si nous adoptons une attitude plus ou moins condescendante et qui néglige la considération des facteurs situationnels, nous risquons de baisser notre garde trop rapidement et ainsi, devenir vulnérables face à des vis-à-vis possiblement beaucoup plus puissants que nous l’avions imaginé, en fait, pour lesquels nous avions fait de fausses attributions…

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À propos de Jean-François Tremblay

Jean-François Tremblay, CRIA, Ph. D., est professeur au Département de relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais.

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