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Il faut qu’on parle de votre programme de prévention

Photo Maire eVE CHAMPAGNE
Marie-Eve Champagne 2 mai 2023

Discussion avec Gérard : 

« Chez Entreprise ABC, on ne fait pas les choses à moitié. Non, ma p’tite dame!

On a payé un consultant SST un gros prix pour qu’il nous rédige un vrai beau programme de prévention. On veut « être en loi » avec la modernisation du régime SST. Nous, on ne se fera pas « pogner ».

Donc, notre programme de prévention, il est vraiment très complet. Et très épais. Un travail de moine! Tout y est : politiques, procédures, formulaires, etc. C’est beau à voir. Vous devriez voir les belles phrases qu’il y a là-dedans. Ça ferait plaisir au plus pointilleux des avocats. Attendez qu’un inspecteur débarque, il va tellement être impressionné! 

Pour bien faire les choses, on l’a envoyé par courriel à tous les gestionnaires, pour qu’ils en prennent connaissance. On en a laissé une copie dans la cafétéria, pour les employé.es actuels de la production. On le donne à lire à tous nos nouveaux employé.es. 

Tout le monde l’a dans les mains.

 

Obligations légales : check! 

Prise en charge SST : check!

Culture SST : check! 

 

Impressionnant, non? »

 

Les mois passent...

« Marie-Ève, on a eu un accident assez grave. 

L’inspecteur est venu, il a regardé notre programme de prévention, mais il dit que notre gestion SST est déficiente. Pire encore : on a découvert que personne ne suivait la procédure qu’on avait mise en place, via le programme de prévention. 

On va se pencher bientôt sur le manque de comportements sécuritaires des gens, mais là, on ne comprend pas ce qu’on aurait pu faire de plus…? On a payé cher pour un programme de prévention qui ne sert à rien, au final! »

Te dire, Gérard… prenons une minute pour faire le tour de ce qui cloche avec cette méthode de fonctionner, pourtant très prisée dans le monde de la SST. Mais avant, définissons ensemble ce qu’est un programme de prévention :

À sa plus simple expression, c’est votre Manuel SST. Il contient l’inventaire de vos risques ainsi que les mesures mises en place pour éliminer, mitiger et contrôler ces risques présents sur votre milieu de travail.

Ces mesures sont matérialisées via des politiques, des procédures, des marches à suivre, des listes, des schémas, des calendriers, etc. Il est essentiel de les mettre et de les conserver par écrit pour en assurer la transmission, la pérennité ainsi que l’amélioration continue. Car votre programme sert aussi à démontrer la réponse effective à vos obligations légales en matière de SST (lesquelles sont en changement actuellement en raison de la modernisation du régime SST, ne l’oublions pas).

Mais, il y a le programme en lui-même ET la façon dont on le fait vivre et mourir. Il y a une grosse différence. Vous l’aurez deviné : ce sont les actions par lesquelles vous le faites vivre qui feront toute sa valeur.

 

Ce qui nous amène aux problèmes que la méthode décrite plus haut apporte…

Problème no 1 :

Un programme de prévention ne s’achète pas; il se construit. Avec les personnes qui font le travail. Dans un langage accessible et compréhensible. Dans un format adapté et digeste. Au fil du temps. Rédigez-le également de façon précise, avec les bonnes informations pour que les personnes puissent travailler sécuritairement. L’ambiguïté, le manque de clarté ou des informations perçues non pertinentes, voire inutiles ou même contradictoires, feront en sorte que la personne repoussera le document en plissant le nez et prendra la décision la plus expéditive, sans qu’elle soit nécessairement la plus sécuritaire.

 

Problème no 2 :

Édicter une procédure n’a JAMAIS été suffisant pour changer une façon de travailler ou un comportement. Pour que les gens comprennent les mesures et y adhèrent pour vrai, le contenu du programme doit être intégré de mille façons aux activités quotidiennes, beaucoup et souvent, avec des formations actives et interactives. Lire n’est pas former. Et ce n’est pas parce que c’est écrit que c’est appliqué… ou applicable! Ce qui nous mène au problème suivant.

 

Problème no 3 :

L’utopie est un bien beau pays… mais ça ne fait pas des organisations viables à long terme. Donc, ne mettez dans votre programme que ce que vous faites réellement, pas ce que vous souhaiteriez faire. 

 

Si ce n’est pas fait de façon effective, on ne le met pas au programme de prévention : on passe à l’action pour sécuriser et prendre en charge cet élément, en le mettant dans un plan d’action annuel, pour suivre le déroulement.

 

Problème no 4 :

Pour le maintenir pertinent à travers le temps, mettez-y un peu de vie! On ajuste, on adapte, on discute, on rature, on ajoute, on communique, on améliore : un programme de prévention doit vivre au rythme de votre organisation et des humains qui y œuvrent. C’est de cette façon qu’il reste adapté et cohérent. 

 

Sinon, il ira mourir sur une tablette, bien au chaud sous sa couche de poussière.

Au final, votre programme de prévention, ça reste un accessoire de choix dans votre prise en charge SST. Mais vous ne récolterez les fruits que si vous faites le travail requis, avec et pour vos gens en tête.

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